Entretien avec Jean-Marc CerlesJean-Marc Cerles (JMC) a rejoint Véolia en septembre 2011, d’abord comme directeur technique informatique puis comme directeur de la cybersécurité Groupe. Il a beaucoup voyagé dans le monde dans cette fonction, pour visiter des filiales de Véolia dans le cadre de la mise en place d’un réseau de correspondants cybersécurité locaux. JMC a rejoint le CRV en septembre 1980 à la sortie de l’Ecole Polytechnique, avec le projet de passer un an aux USA pour se former à la technologie de simulation numérique par éléments finis et de revenir en 1982 pour démarrer une activité en simulation numérique. Il est resté au CRV de septembre 1980 à janvier 1981. En février 1981, il a passé un mois à St Jean de Maurienne, une semaine au LRF, une au carbone, une autre en électrolyse et une en fonderie. C’était un stage d’observation. D’avril 1981 à mars 1982, JMC était à l’Université de Berkeley où il s’est formé aux éléments finis, puis a rejoint le service de François-Régis Boutin en avril 1982 et a démarré une activité de simulation numérique, souvent en relation avec la mécanique. La simulation numérique traitait alors les caractéristiques des produits comme les boîtes de conserves et puis des procédés comme la coulée continue, ou des déformations des filières de filage doux. Ensuite, JMC est passé de Boutin à Vigier en 1984-1985 et a continué la simulation numérique avec plus de moyens jusqu’en 1988. En 1988, JMC a pris l’informatique en remplaçant Jean-Pic Berri pour la gestion et pour des projets de simulation numérique, jusqu’en 1998, tout en étant aussi responsable achats du CRV (dont restauration, nettoyage, équipements, informatique…) à partir de 1995. Il était aussi en 1995 membre de l’équipe de la mission en phase 2 pour faire des économies (plan Challenge où le CRV a perdu 120 postes) et s’y occupait surtout des achats. En 1991, il s’est occupé du nouveau système de gestion qui a été simplifié en regroupant les frais divers sur le coût horaire des chercheurs (déplacements…) et en les sortant des projets. En mai 1998, JMC est parti du CRV pour devenir directeur informatique d’Aluminium Métal, puis en 2000 responsable infrastructures informatique Groupe, installé dans le bâtiment Reflex. En 2003, lors du rachat de Pechiney par Alcan, il était dans le groupe de travail sur l’infrastructure informatique pour préparer la fusion, comme en 1999 lors de la fusion avortée avec Alcan et Alusuisse, où il allait aux réunions alternativement aux différents sièges (Schaffhouse, Montréal, Paris). De 2004 à 2007, JMC a été responsable des infrastructures informatiques Alcan, sous la responsabilité de Denis Lamontagne puis de Robert Ouellette. En 2007, lors du rachat d’Alcan par Rio Tinto, JMC a participé au groupe d’intégration Alcan-Rio Tinto pour l’informatique puis a été nommé début 2008 Directeur des infrastructures informatiques Monde, sous la responsabilité de John Becker, poste qu’il a occupé jusqu’à fin 2010 et son départ de Rio Tinto. Un des projets de simulation numérique était le projet DECOR . A côté de divers logiciels de gestion, JMC a été à l’origine des premières versions de logiciel de coulée en fonderie pour le calcul des charges (« Tigra ») au début des années 1990. Le calcul des charges est assez simple mathématiquement, c’est un système linéaire à N équations et N inconnues Après le chargement du four avec la composition calculée, il faut faire un prélèvement qui sera analysée au labo pour ensuite corriger les écarts de composition, selon les charges utilisées. Ensuite, le calcul des corrections se fait par un algorithme de type « Simplex », un système d’optimisation sous contraintes, en essayant d’optimiser le coût des éléments nécessaires pour la correction. En 1981, en fonderie à Saint Jean de Maurienne, le calcul des charges était fait à la main, de manière laborieuse. Le logiciel Tigra est toujours utilisé. Le gain est financier mais aussi en précision de la composition de l’alliage. Un autre projet ambitieux de simulation numérique concernait les filières pour les filés doux. Le patron du filage (Nuit Saint Georges, Ham…) était Pierre Bacqué (qui était le premier patron du CEMEF à Sophia Antipolis). Le problème était le réglage des filières pour des profilés compliqués, avec des épaisseurs variées, ce qui conditionnait les sections des trous de la filière (freins) très différentes. Sans précautions, le métal s’écoulerait avec des vitesses différentes selon la section des trous, ce qui causerait des déformations du profilé à la sortie. Il faut donc que le métal s’écoule partout à la même vitesse, ce qui est obtenu en jouant sur la hauteur locale des parois de la filière : plus un frein est long, moins vite s’écoule le métal. Pierre Bacqué demandait le développement d’un outil à base d’éléments finis pour calculer les freins, selon le profil du produit à filer. Sans cet outil, il fallait faire en général 3 essais de filage (en attendant entre les essais le refroidissement de la filière pendant plusieurs heures) avec chaque fois des corrections de la filière pour arriver à des profilés équilibrés. Il faut aussi tenir compte des déformations de la filière. Le logiciel d’éléments finis « Titus » a été acheté chez Framatome pour environ 1 MF et a été intégré dans la procédure de réglage des filières à Ham. Cependant, cela n’avait pas abouti. La simulation numérique était aussi utilisée (en 1983) pour optimiser les caractéristiques mécaniques des boîtes de conserve avec des parois moulurées. La boîte de conserve est remplie puis stérilisée, cette montée en température fait bomber le fond de la boîte qui se remet en forme une fois la température redescendue. Quand la boîte est en dépression, la paroi peut flamber et faire des facettes, ce qui est évité par le moulurage des parois. La simulation numérique est toujours restée une activité importante au CRV puis à C-Tec. JMC a travaillé en simulation numérique avec Serge Bompard, dès 1983, qui était encore à Paris. Lors de l’accident ayant causé la chute du château d’eau du CRV, JMC a fait les calculs de résonance du château d’eau du CRV. La colonne du château d’eau était un tube légèrement conique, avec l’épaisseur de la paroi plus forte à la base et plus mince en haut, là où la boule était fixée. Lors d’une tempête, les rafales de vent fort avaient une fréquence proche de la fréquence propre du château d’eau, ce qui a entraîné une oscillation du volume d’eau contenu dans la boule et un basculement de la majeure partie de la masse d’eau vers un côté. Cette charge asymétrique pesait d’un côté de la colonne qui portait la boule, elle flambait et cédait finalement – la boule est tombée un dimanche, ce qui causait des perturbations au CRV (elle est tombée sur la chaufferie). Les ordinateurs Mac sont arrivés en 1985-1986, puis les Mac SE (1988), SE 30, Mac 3, Mac 4. C’est Christophe Masse qui a remplacé JMC et a introduit les PC, fin des années 1990. JMC a travaillé en 1982 sur le planage après laminage à froid qui réduit les contraintes résiduelles dans la tôle. A Neuf-Brisach il y avait sous certaines conditions des facettes en forme de vagues dans la tôle après planage. Ces irrégularités étaient dues à des vibrations dans la planeuse à multirouleaux. Pour ce problème, JMC faisait beaucoup de recherche documentaire et travaillait avec des méthodes décrites dans le livre de Timochenkola, bible de mécanique de l’époque.
le 4 février 2020 chez luiDieter Gold, 23 octobre 2020
Texte révisé et enrichi par Jean-Marc Cerles